Marie

Bonjour Serge,

Tu ne me l’as pas encore demandé, mais voici mon petit commentaire sur mon lâche de ce 7 octobre pour mettre sur ton site internet.

Merci bisous à vous deux et à ce week end, en esprant que le temps soit au beau fixe.

Marie

et voila le texte de Marie…

Je croyais que ce jour-là n’arriverait plus……. Après de nombreuses hésitations, d’angoisses, de colère, de remises en question, les questions fusaient de toutes parts dans mon esprit…..suis-je capable de devenir pilote ?

Je n’ai pas pour principe d’abandonner aussi facilement, alors je me suis accrochée. Un jour j’arrivais pourtant à saturation, marre des tours de pistes, toujours quelque chose qui n’allait pas, la régularité des touchés ne s’installait pas. Christian tu avais trop peur, tu ne me laissais pas faire, mon Allegro était si confortable que j’ai soupçonné que tu aimais rester au chaud pendant l’hiver froid et le plaisir de faire des exercices avec cette belle machine !!!. J’exagère à peine LOL

Le désespoir et l’abandon s’approchait de plus en plus de ma conscience. Nous avons commencé en famille, mon époux, mon frère et seule je restais sur le tarmac. Evidemment j’ai connu quelques coups durs, panne moteur au décollage avec JE, l’aile cassée par un autre élève, attente de réparation. Puis en novembre dernier, nous changions de machine. Allegro SW est arrivé au grand plaisir de nous trois. Plus fin à piloter que le Sky. Christian tu m’avais prévenu que ce n’était pas le même pilotage, je ne comprenais pas…

Ce 7 octobre en fin de soirée, après un dernier tour de piste, merde, encore trop de monde sur le tour de piste, quatrième, cinquième position. Christian ne me lâchera pas ce soir, encore une fois cela allait me passer sous le nez. Pourtant depuis les deux week-ends précédents ce vol, je l’ai senti ce fameux déclic qui est apparu tout d’un coup. Je me sentais capable, je faisais corps avec ma machine, enfin je percevais même le léger buffeting de mon ULM, tiens il veut un peu plus de puissance, souplesse pour les virages, la bille ne supporte pas d’être juste à côté du centre. Christian m’en avait parlé, mais à cette époque je ne sentais rien. Pas besoin de regarder les instruments, je sais ce qu’il faut faire, enfin.

Le jour du lâcher le 7 octobre, après avoir attendu donc qu’il y ait un peu moins de perturbations en ce tour de piste. Christian m’a annoncé « te sens-tu capable de voler toute seule » OUI sans hésitations.

Le chef-pilote Serge me donnant les dernières indications, me rassurant, mais non tu ne vas pas paniquer, concentre toi tout ira bien. Au moment de remplir mon autorisation de voler seule à bord, Serge me demande mon indicatif. Merde trou de mémoire, il me dit, il manque une lettre….. Impossible de la trouver, me voilà bien…….Je suis partie avec le mauvais indicatif sur ma feuille de vol, pourtant ce n’est pas faute de l’avoir répété. La panique sans doute, l’appréhension tout se bouscule.

Seule à bord, je ferme les yeux, je me concentre. Je ne me laisse pas distraire par toutes les personnes autour de moi, je fais le vide. Moteur, la machine ne démarre plus, que se passe-t-il encore. Je refais ma check liste dans ma tête, les magnétos dans quel sens, le haut ou le bas, re-trou de mémoire. Cela commence bien……J’ai le taxiway jusqu’à la 07 pour me concentrer, pourtant mis à part mon cœur qui battait un peu vite, j’étais calme, sereine. Au point d’arrêt 07, j’ai refait trois fois mon C.A.I.N, vérifié la fermeture de la porte co-pilote, j’étais seule. Moment d’hésitation, non je ne vais pas abandonner, j’attendais un peu avant de m’annoncer.

Autorisée à décoller, je m’élance vers le milieu de la 07, palonniers bien droits, vérification volets sortis. Plein gaz, cela décolle très rapidement, je suis toute légère, même si tout le monde m’a prévenu, je n’attache pas d’importance. Mais le plus impressionnant c’est que cela monte très vite à 5 000 tours 180 km/h, je n’ai pas l’habitude, pourtant j’ai bien mes repères capot. En moins de temps qu’il ne faut pour y penser, je suis à 900 pieds en tour de piste. En palier, je réduis à 4 000 tours et je fais mes tours de pistes à 140 km/h. La concentration qu’un être humain est capable de déployer dans certains cas, la ressource au fond de soi, je suis moi-même étonnée encore aujourd’hui en l’écrivant. Je n’ai pas de mots précis pour décrire cette plénitude que je ressens, je suis étonnamment calme, sereine, concentrée, à ce moment-là, je lâche un cri… youpiii, je V O L E….. J’ai quitté le plancher des vaches, rien autour de moi, le vide. Même pas peur…..tous les reflex acquis pendant ma formation, prennent petit à petit et naturellement leur place.

J’enchaîne les tours les uns derrière les autres. En automne la nuit aéronautique tombe vite, je prends la décision de faire un complet. Bien à regret, car je n’aurais pas le temps de faire encore un tour sans que la luminosité décroisse. Je profite de ces derniers instants de pur bonheur, de tranquillité, de silence. J’ouvre grand les yeux, je profite de ce coucher de soleil magnifique, de ce calme à l’extérieur et dans ma tête. Malgré le tour de piste encombré par quelques avions, je n’ai pas peur, j’assure, je surveille. Un DR400 me double par la droite, je l’ai vu avant que le contrôleur me l’annonce, je suis bien, très concentrée, pas droit à l’erreur. En finale, je m’annonce, silence à la radio personne ne parle, tiens ma radio ne fonctionne plus. La tour ne répond pas, personne dans le circuit ? Ma radio ne fonctionne plus !!!!, instant de doute, je recommence mon annonce, toujours rien. Bon je continue, je me pose, personne sur la piste. Peut-être la fin de leur service, moment d’incertitude, vigilance accrue. Je suis à quelques mètres du bord de piste quand j’entends le contrôleur m’annoncer atterrissage autorisé, ouf, il était temps, ma radio fonctionne. Kiss landing, tout se relâche j’ai fini, je suis entière, je rentre au hangar. Je suis heureuse et toujours dans les nuages, c’est le cas de le dire, je l’ai toujours été depuis mon enfance, mais là c’est réel, sensation de béatitude, je ne réalise pas.

Accueil, félicitations de tous ceux présents. Champagne on a soif……mais là……Serge tu n’as pas assuré sur ce coup, désolée de le dire, pas de champagne au frais dans le frigo, hélas. On est repartis en ayant soif, mais ce n’est que partie remise……….

Je tiens à remercier, tous mes instructeurs, Daniel, Pascal F, Eric C, Christian mon plus fidèle instructeur, celui que j’ai le plus usé et Laurent qui était présent ce jour-là. Bien évidemment je n’oublie pas le Chef Serge et la Cheftaine Geneviève et mes fidèles co-équipiers et amis de la RATP qui m’ont suivi attentivement pendant ce lâcher. Ainsi que ma famille, mon époux tout d’abord qui a le mérite, d’avoir supporté mes coups de gueule pendant mon instruction et mes démotivations, et mon frère. Tous deux que j’ai embarqués dans mon aventure, celle d’un jour tutoyer le ciel, et d’admirer le paysage autrement. VOLER !!!!!

Aviatrice débutante

Marie

On est tous très contents de toi Marie, reste prudente, concentrée et fais toi Plaisir ! Serge