La prose de Jean-François

JF et Môa

Il n’en est pas question !
Je n’ai pas envie de passer mes journées à dire « la vitesse, la vitesse ! » à des élèves qui s’acharnent à prendre beaucoup de libertés avec cette dernière.
C’est ainsi qu’à débuté ma formation d’instructeur.
Devant l’afflux d’élèves, notre chef pilote s’était, en effet, mis dans la tête de renforcer le corps professoral et son choix s’était porté sur moi. Après plusieurs mois d’une résistance acharnée, j’ai fini par rendre les armes pour avouer, du bout des lèvres, que je n’y étais plus systématiquement opposé.
Restait maintenant à trouver un centre de formation. Formé à Saint-Dié, il a voulu m’y entrainer. Le centre venait de fermer.
Espérant sans doute qu’un site très éloigné de la région parisienne m’inciterait peut-être à concentrer ma formation sur une période bloquée et être ainsi disponible plus tôt, il imagina un instant m’expédier à Valence. Là encore le centre venait de fermer.
Il décida alors de passer aux choses sérieuses et rechercha le meilleur centre de la région parisienne.
C’est ainsi qu’un beau matin je me retrouvais à Véliplane et que je fis la connaissance de Serge, Philippe, Bernard, Geneviève et bien d’autres encore.
Restait à présent à faire connaissance avec les machines : le Nynja, le Coyotte et l’Alpha Trainer. Moi qui suis un fervent adepte des ailes basses (j’aime bien voir où je vais quand je tourne !) j’avais le choix entre une aile haute, une autre aile haute et enfin, une aile haute. Pour détendre l’atmosphère, Serge m’annonça doctement que quand on passe sur le toit, il vaut mieux avoir une aile haute !
Mais avant de voler, il faut déjà réussir à entrer dans la machine. Je sais que c’est ce qu’il y a de plus difficile avec un ULM, mais là, avec le Coyotte, on atteignait des sommets (seule l’escalade de la place avant d’un Piper J3 me semble plus difficile.) Il me fallut donc mettre au point une méthode conciliant l’exiguïté de la machine, ma grande taille, une souplesse bien érodée par les années et la nécessaire dignité que doit conserver un instructeur face à ses élèves.
Puis viennent les vols. Sur le Coyotte, l’ennemi c’est indicutablement la bille. A la moindre inattention, elle s’échappe, et il lui arrive même, les mauvais jours, à rester coincée complètement en bout de course. Pour la ramener à la raison, il suffit de luis taper énergiquement dessus et vaincue, elle consent à revenir au milieu. Devant l’efficacité de la méthode, je me demande si ce n’est pas transposable à d’autres situations, notamment avec des élèves rebelles.
Le Nynja est une belle petite machine qui favorise le développement asymétrique des muscles des épaules. En effet, avec son manche central, autant elle est légère lorsque l’on tire vers soi, autant elle est rétive quand on prétend aller dans l’autre sens.
L’Alpha Trainer est une superbe machine, un vrai plaisir à piloter…jusqu’au moment où, deux à bord, de préférence d’une certaine corpulence, il faut sortir deux crans de volets en finale. Avec le coude tu laboures consciencieusement les côtes de ton voisin, qui plein de bonne volonté cherche pourtant à se faire tout petit, et tu profères tout une série de jurons destinés à ces foutus ingénieurs qui ont réussi à placer la commande à un endroit pas possible.
Les vols se poursuivent donc normalement en faisant attention au circuit : « Attention tu ne passes pas là, car c’est là qu’habite le commandant d’aérodrome; tu évites surtout ce village, il est plein de grincheux, contourne la ferme pour ne pas les déranger, etc. » (Notez bien la gradation dans les interdictions).
Puis viennent les élèves. Ce qui est agréable avec eux c’est qu’ils éprouvent, naturellement une certaine tendance à surestimer tes capacités. C’est toujours bon pour un ego qui a pu être malmené au cours de vols précédents, notamment avec les formateurs.
Arrive enfin le jour du test. Et là, comme pour tout le reste, c’est du sérieux. Pas question de négocier la question du cours théorique, elle est tirée au sort dans une petite boite comportant 19 numéros. Les prévols techniques et pédagogiques sont passées sous l’œil débonnaire mais acéré de Philippe.
Ne crois pas que le fait d’avoir fait toute ta formation à Véliplane va te dispenser du test de maniabilité: décrochage (pépère sur l’Alpha Trainer), virages à forte inclinaison, panne en campagne moteur calé, encadrement; c’est bref, mais c’est dense.
Puis il te revient de donner une leçon, le virage en ce qui me concerne. Là je dois reconnaitre qu’avec Philippe, j’avais un élève particulièrement doué qui réussissait du premier coup tous les exercices que je lui demandais. Un vrai bonheur ! Ce n’est que lorsqu’il se souvenait qu’il devait jouer le rôle de l’élève qu’il oubliait parfois d’assurer la sécurité afin de vérifier que je n’oubliais pas de le lui rappeler.
Enfin, dernière épreuve, pourtant non inscrite à l’examen : le remplissage des papiers. Tu te trouves normalement dans la salle de cours; Serge est à son bureau dans une autre pièce. Compte une bonne demi-heure à entendre : « JF, viens signer le formulaire n°1 !, JF, vient remplir le formulaire °2!; JF, c’a fait combien d’heures en tout ?, JF, je te fais trois photocopies, non plutôt viens les faire toi-même, je te montre comment fonctionne la photocopieuse, etc. » Et toi tu dis « oui » à tout puisque, in fine, c’est pour avoir ce foutu papier qui fera de toi un instructeur.
Après tu pourras quitter Véliplane, mais une chose est certaine, tu n’oublieras jamais leur gentillesse, leur compétence et leur disponibilité. Au point que tu ne pourras sans doute plus jamais traverser les cieux de Meaux sans y faire une petite escale, te replonger dans une ambiance vraiment sympathique et rajeunir un peu en annonçant à la radio : »Meaux de F_Jxxx, un ULM xxx au parking Véliplane. »
Une fois encore : Merci à tous !